La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

lundi, septembre 18, 2006

Cible émouvante

Comment va la douleur ? (2006) de Pascal Garnier. Ed : Zulma

Un conseil si vous décidez de vous plonger dans ce livre, évitez de lire son résumé sur la deuxième de couverture. Je sais bien qu’une œuvre d’art (que ce soit la littérature ou le cinéma) ne se limite pas à son « sujet », à son « histoire » mais je trouve dommage aussi de révéler un élément primordial du roman alors que l’auteur cherche dans un premier temps à le dissimuler par une construction dramatique très habile et d’emblée intrigante.
Pour rester très simple, nous dirons que le récit repose sur la rencontre de deux hommes. Le plus jeune, Bernard, est d’une naïveté confondante et sa vie se résume à gagner un peu d’argent pour aider sa vieille mère alcoolique. Dans une ville d’eau, il fait la connaissance de Simon, vieil homme mystérieux qui va l’engager comme chauffeur.
Pascal Garnier va alors nous conter l’épopée dérisoire de ces deux hommes que tout oppose. Il le fait avec beaucoup d’humour, d’ironie et de tendresse désenchantée.
Les premiers chapitres du livre correspondent en fait à la fin du roman, à ce moment où Simon demande à Bernard de lui rendre un dernier service. La narration prendra ensuite ce courant à l’envers pour remonter aux origines de ce couple bien singulier.

D’un abord modeste, ce court roman (un tout petit peu plus de 200 pages) dit des choses très justes sur un certain désenchantement du monde, sur la vacuité d’existences vouées à la souffrance (sans insister vraiment là-dessus, Garnier nous fait comprendre que Simon est atteint d’une maladie grave), la solitude (la mère de Bernard, le personnage de Rose) et au néant (à quoi se résument nos vies si ce n’est à une somme de ratage ?). Mais contrairement à ce que ces lignes pourraient faire penser, le roman n’a rien de sinistre ou de désespéré. Garnier fait preuve d’un véritable talent pour l’humour noir et le cynisme vachard (comme Swift, il préconise que les pauvres mangent leur progéniture pour échapper à la misère et ne pas la transmettre !). Et le personnage de Bernard, avec son indécrottable optimisme malgré les coups qu’il prend (il a perdu deux doigts en travaillant à l’usine), donne au livre une espèce de rayonnement, comme la lueur d’un espoir.

Sur leur route, les deux hommes font la connaissance de Fiona, jeune fille-mère qui traîne Violette, sa fille en bas-âge. Ces deux personnages deviennent à la fois les boulets de Simon (qui n’en a vraiment pas besoin pour la besogne qu’il doit accomplir) et la promesse d’une famille pour Bernard qui n’en a jamais eu vraiment. Le livre oscille alors entre un burlesque de situation (voir l’épisode de la confrontation entre Simon et le père de Violette), un anti-romantisme assez dérisoire (les liens qui se tissent entre Fiona et Bernard) et une vision assez noire d’une humanité condamnée à reproduire les mêmes schémas sociaux. (Fiona est une enfant de la DDASS et elle a fait son bébé avec le premier venu).

Comment va la douleur ? séduit à la fois par son ton mais également par cette manière de faire exister les personnages par petites touches, en leur offrant à tous une véritable existence qui permet d’échapper aux stéréotypes et à la caricature. D’un autre côté, l’auteur n’insiste pas lourdement et ne se perd pas en de longues considérations psychologiques. Quelques réminiscences du passé, quelques traits dessinés finement et voilà les personnages restitués dans leur complexité. Leurs actes et leurs états d’âme nous amusent autant qu’ils nous touchent.

Je découvre Pascal Garnier grâce à ce livre, qui n’est sans doute pas le chef-d’œuvre du siècle mais qui mérite le coup d’œil et qui donne envie de découvrir les précédentes œuvre d’un auteur qu’on devine attachant.

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1 Comments:

Anonymous voyance serieuse gratuite mail said...

J’aime beaucoup les sujets que tu traites, qui semblent tellement simples et habituels pour nous blogueuses qu’on ne pense même pas à en faire un article.

12:19 PM  

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