La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

dimanche, juin 03, 2007

Lettre ouverte aux jeunes filles

Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation (1917) de Pierre Louÿs (Allia. 2005)

Jeunes filles voluptueuses (les autres méritent-elles que nous nous adressions à elles ?), vous avez sans doute oubliées depuis longtemps les assommants auteurs que l’institution scolaire persiste à mettre à l’honneur dans ses grotesques « programmes » et vous avez su cueillir les fruits plus piquants de la véritable littérature. Je vous souhaite donc de n’avoir pas oublié la splendide recommandation que vous adresse Sade au début de la philosophie dans le boudoir : « Jeunes filles trop longtemps contenues dans les liens absurdes et dangereux d’une vertu fantastique et d’une religion dégoûtante, imitez l’ardente Eugénie, détruisez, foulez aux pieds, avec autant de rapidité qu’elle, tous les préceptes ridicules inculqués par d’imbéciles parents. »

Vous voilà donc prêtes à sacrifier « tout à la volupté » mais pour se faire, il convient de garder une certaine élégance et de se préserver, avant tout, de la moindre vulgarité. Dans une époque atroce comme la nôtre, où le sexe est devenu marchandise et monnaie d’échange, il ne saurait être question de vous réclamer du divin Marquis sous prétexte que vous laissez dépasser vos strings sous vos jeans taille basse depuis le CM2 ! Il en est des plaisirs de l’amour comme des plaisirs de la table : sans un certain savoir-vivre il n’est de jouissances exquises.

C’est pour cette raison que je ne saurai trop vous recommander la lecture de ce Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation de Monsieur Pierre Louÿs. Il est dommage, encore une fois, que vous n’ayez jamais entendu parler par vos maîtres de cet auteur raffiné qui publia de beaux poèmes hellénisants et des romans imprégnés d’un érotisme sensuel (Aphrodite, la femme et le pantin). Car il ne fait aucun doute que ce petit Manuel (publié pour la première fois, à titre posthume, en 1926) serait devenu depuis longtemps votre livre de chevet.

Avant d’en venir aux nombreux conseils que prodiguent sagement cet ouvrage et qui vous permettront d’affronter sereinement la vie quotidienne dans ses moindres détails ; je vous propose d’abord de vous pencher sur la question du langage.

« L’amour physique, c’est comme la légion d’honneur, ça ne se refuse jamais mais c’est de mauvais goût d’en parler. Je me méfie de ceux qui s’en vantent. » a dit Jean d’Ormesson (si on m’avait dit un jour que je citerai ici ce vieux débris de Coupole malodorante !). Au lieu de déballer vulgairement la misère de votre vie sexuelle à la télévision ou chez les lobotomisés de la bande FM, suivez donc les conseils de Pierre Louÿs dont je vous donne quelques exemples marquants et sachez tenir votre langue :

« Ne dites pas : « Elle jouit comme une jument qui pisse. » Dites : « C’est une exaltée. »

« Ne dites pas : « Il a joui dans ma gueule et moi sur la sienne. » Dites : « Nous avons échangé quelques impressions. »

« Evitez les comparaisons risquées. Ne dites pas : « Dur comme une pine, rond comme une couille, mouillé comme ma fente, salé comme du foutre, pas plus gros que mon petit bouton », et autres expressions qui ne sont pas admises par le dictionnaire de l’Académie. »

Lorsque vous maîtriserez parfaitement un langage châtié, le seul qui puisse permettre de distinguer une véritable libertine d’une vulgaire Mathilde Seigner, vous pourrez alors puiser dans votre Manuel quelques banalités de base relatives à votre pucelage, à l’art de sucer (« Prenez modestement la pine dans la bouche, en baissant les yeux. Sucez lentement. Ecartez les dents pour ne pas mordre et serrez les lèvres pour ne pas baver. ») et aux divers devoirs qui vous incombe envers votre père (« Si votre père vous prie de le sucer, ne dites pas étourdiment que sa pine sent le con de la bonne. Il pourrait se demander d’où vient que vous reconnaissez cette odeur-là. »), votre mère (« Le soir, quand madame votre mère vient vous border dans votre lit, attendez pour vous branler qu’elle ait quitté la chambre. »), vos frères et sœurs mais également envers les vieux messieurs, les domestiques et même monsieur le Président (« Si monsieur le Président de la République venait à mourir subitement pendant que vous tétez son foutre, vous pouvez raconter l’histoire à tout le monde : on ne vous poursuivra pas. Il y a des précédents. ») et Dieu (« Quelques jeunes filles trop surveillées achètent une petite sainte vierge en ivoire poli et s’en servent comme d’un godmiché. C’est un usage condamné par l’Eglise. »

« Par contre, vous pouvez vous servir d’un cierge à cet effet, pourvu que le cierge ne soit pas béni. »).

Restent ensuite toute une série de conseils qu’il vous est recommandé d’appliquer dans toutes les situations de la vie quotidienne, du musée au confessionnal en passant par le bal ou que vous vous trouviez à la mer, à la campagne ou dans les boutiques.

C’est sur ces dernières recommandations, frappées au coin du bon sens, que j’achève cette note, mes chères jeunes demoiselles. Et c’est à tous que je recommande également la lecture de ce pastiche hilarant et joyeusement obscène des livres de « bonnes manières » d’antan.

A table.

« Quand on vous servira des bananes, ne mettez pas la plus grosse dans votre poche. Cela ferait sourire les messieurs, et peut-être même les jeunes filles. »

Jeux et récréations.

« Ne demandez jamais à une dame la permission d’aller jouir avec sa fille. Dites « jouer », qui est plus décent. »

A l’école.

« Si l’on vous demande ce que c’était que Pompée, ne répondez pas : « Ca devait être une pine » ; et si l’on vous demande quel personnage historique vous auriez voulu être, ne dites pas en clignant de l’œil : « Je voudrais toujours être Persée ». Ce genre de facéties ferait rire vos camarades mais ne ferait pas rire la maîtresse. »

Au bal.

« Lorsqu’un monsieur, derrière un meuble, vous décharge dans la main, il vaut mieux vous sucer les doigts que de demander une serviette. »

A l’Eglise

« Si vous sucez un monsieur avant de partir pour communier, gardez-vous bien d’avaler le foutre : vous ne seriez plus à jeun, comme il faut que vous soyez. »

A la campagne

« Ne faites pas annoncer par le tambour de la commune que vous avez perdu votre pucelage. L’homme qui l’a trouvé ne vous le rendra pas. »

NB : Pour les plus pingres d’entre vous, le livre est consultable dans son entier ici.

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3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Ah ah, excellent ce Pierre Louÿs, quintessence de l'esprit français par excellence.
J'ai quasiment achevé l'oeuvre de Darien, et le bilan est quelque peu mitigé. Je le trouve impressionnant dans le discours argumentatif (les passages du Voleur où Randal laisse libre cours à ses réflexions par exemple ; l'intégralité de la Belle France) et les éléments purement pamphlétaires ou satiriques de ses écrits, mais force est d'admettre que le côté "romanesque", narratif de ses romans m'a déçu. Je n'ai pas réussi à m'attacher émotionnellement à aucun personnage ou à m'impliquer véritablement dans les péripéties. Pour ce qui est de Biribi et Bas les Coeurs, j'ai peut-être eu le tort d'avoir découvert Céline avant, donc ces romans n'ont pas eu sur moi l'effet escompté. Difficile en effet de rivaliser avec Casse-pipe dans le genre "exécution de l'armée française et du militarisme". Bref, Darien est un romancier assez limité, mais un grand journaliste pamphlétaire.

10:40 AM  
Anonymous Anonyme said...

Très drôle ! Je me suis rendu compte que j'avais déjà lu ce petit opuscule dans une collection à très bon marché. Merci pour m'avoir rafraichit la mémoire.

11:44 AM  
Blogger susane said...

Ton blog est superbe, que de belles idées!

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1:32 PM  

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