La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

mercredi, mars 26, 2008

Bibliothèque idéale n°9 : le roman français

Bel-Ami (1885) de Guy de Maupassant (Le livre de poche. 1983)


Nous voilà donc arrivés à l’abordage de la littérature française et plus particulièrement cette fois du roman. Paradoxalement, le choix du livre ne fut pas aisé. D’une part parce que je connais (quand même !) un certain nombre d’entre eux ; d’autre part pour ne pas rédiger ma prochaine note dans deux ans en me plongeant dans La comédie humaine !

Le problème vient sans doute aussi du fait que beaucoup de ces romans nous font venir à l’esprit des souvenirs (pas forcément très bons !) de notre scolarité et que l’on rechigne (à tort) de revenir aux « classiques ».

Prenons l’exemple de Maupassant. C’est sans doute l’écrivain typique pour lycéens : quelqu’un qui passe bien auprès des ados (parce que la nouvelle et parce que le fantastique !) tout en restant suffisamment « scolaire » pour les profs.

Or en découvrant Bel-Ami (eh oui ! je ne l’avais jamais lu, ne connaissant de ce roman que la très belle adaptation cinématographique signée Albert Lewin avec l’immense George Sanders), je me suis demandé ce qu’un écolier pouvait réellement saisir de la beauté de l’œuvre de Maupassant. Attention ! Je ne suis pas en train de dire que tous les ados sont des incultes abêtis par leur télévision, leur FM et leurs jeux vidéo mais mis à part quelques individus très en avance, comment saisir à cet âge la richesse du sous texte de l’écrivain, les allusions au contexte sociopolitique de l’époque et la profondeur de son analyse psychologique ?

Encore une fois, je le dis sans la moindre condescendance et je me mets volontiers dans le lot : je n’aurais pas du tout apprécié de la même manière ce Bel-Ami si je l’avais lu lycéen.

Non pas que le roman serait « mal passé », Maupassant prouvant une fois de plus ici son sens incroyable du récit. Sorti en feuilleton durant l’année 85, Bel-Ami file à toute vitesse et fait preuve d’une rapidité dans la narration qui préserve le lecteur du moindre bâillement. Ce récit d’un jeune arriviste à la Stendhal qui gravit un à un les échelons de la société en séduisant les femmes influentes est mené tambour battant et Maupassant sait traiter son sujet avec une incroyable légèreté, sans plomber sa narration par une trop grande ambition « scientifique » ou par d’interminables descriptions. C’est d’ailleurs ce qui l’éloigne irrémédiablement de la lourdeur de Zola et du naturalisme !

Mais à côté du plaisir basique de se laisser prendre à une histoire, le roman est d’une incroyable richesse dans la manière qu’il a de naviguer tout naturellement d’un milieu à un autre, à l’image de Mme de Marelle, la première maîtresse du héros Georges Duroy, qui cherche à s’encanailler et traîne son amant dans les quartiers populaires de Paris.

Maupassant dresse ainsi un savoureux tableau du milieu du journalisme (avec -déjà !- cette collusion entre les patrons de presse et les milieux politico-financiers) mais il sait rendre vivant aussi bien une scène avec ces chers paysans Normands (les parents de Bel-Ami) que les grandes soirées mondaines de la bourgeoisie.

A côté de ces tableaux « sociaux », l’écrivain excellent à nous faire partager les états d’âmes de son héros parvenu. Son cynisme a, bien entendu, quelque chose de très antipathique mais est en quelque sorte compensé par la manière dont Maupassant parvient à décrire les atermoiements du cœur du personnage qui rend la chose légère (on retient moins son désir de gloire que sa quête effrénée de conquêtes féminines). Entre la maîtresse fidèle et légère, l’épouse terre-à-terre et la femme mariée perdue et éperdue ; l’auteur donne chair à de très beaux personnages qui lui permettent d’explorer très finement les arcanes du désir et de la séduction.

Bon ! Le rôle de ce blog n’est en aucun cas de faire de l’explication de textes donc je ne vais pas poursuivre plus longuement cette note. Juste insister une dernière fois sur la richesse de Bel-Ami : richesse d’une écriture parfaitement ciselée, richesse des tableaux et portraits composés par Maupassant, richesse de l’analyse des personnages…

J’en avais déjà la conviction mais maintenant j’en suis certain : il ne faut en aucun cas hésiter à se replonger dans les « classiques » !

Et vous ? Quels roman(s) français choisiriez-vous pour votre bibliothèque idéale, que ce soit dans la liste suivante ou non ?

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12 Comments:

Blogger Le pendu said...

J'ai lu ce roman au lycée, et je l'avais apprécié... Puis je l'ai relu une grosse dizaine d'années plus tard, et je l'ai trouvé vraiment excellent. Bref, drôle, cruel...
J'ai un faible pour l'incroyable scène du duel.
Et la première maîtresse du héros est une femme très troublante...

9:41 AM  
Blogger Le pendu said...

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

9:41 AM  
Anonymous Anonyme said...

Tu pouvais pas t'empêcher de caser le mot "savoureux" hein?

7:03 PM  
Anonymous Anonyme said...

Le livre en français que je conseillerais serait L'oeuvre au noir de Yourcenar, livre qui m'a accompagné tout au long de ma vie et qui m'a beaucoup influencé.

Bernard Alapetite

7:47 AM  
Blogger Le pendu said...

Le maître de maison n'apprécie pas tellement Yourcenar, dans mon souvenir :)
J'aurais bien donné des conseils de mon côté, mais je ne sais pas où trouver sur Internet les fameuses listes de la Bibliothèque idéale (peut-être qu'on ne les y trouve pas, ce serait logique :))

7:50 AM  
Blogger Dr Orlof said...

Yo : je voulais vérifier que tu me lisais bien!

Bernard : Comme le dit le commentateur suivant, je n'ai pas tellement adhéré à la littérature de Yourcenar. Et j'avoue que l'adaptation soporifique de "l'œuvre au noir" par Delvaux ne me pousse pas à lire ce roman. Il faudra que j'essaie un jour... Mais j'ai quand même du mal à croire que tu places Yourcenar devant Céline, Proust, Stendhal, Breton, Darien ou Bloy!

>Le Pendu : Si, si : on les trouve, suffit de suivre le lien que je donne dans mon texte...

8:28 PM  
Anonymous Anonyme said...

Je me suis placé à partir d'un point de vue peut être un peu particulier celui du livre qui avait vraiment changé ma vie donc lu à l'adolescence. Je pourrais en dire autant de Tintin et de la série de Black et Mortimer. Je ne fais aucune différence entre les "genres littéraire". Par ailleur je suis un grand lecteur de Proust à ce sujet je ne comprend pas la méconnaissance même critique de Jean Santeuil... L'adaptation du temps retrouvé de Ruiz est brillante je suis d'accord avec toi celle de l'oeuvre au noir est bien triste. Je suis par ailleurs un passionné de Céline (extraordinaire dvd qui vient de paraitre aux éditions Montparnasse) avec une préférence pour Mort à crédit (les illustrations de Tardi sont remarquables jamais redondantes avec le texte).
Je n'ai jamais accroché à Breton ni au surréalisme littéraire, sauf Michaux (mais est il surréaliste?), alors que souvent le surréalisme en peinture me fascine surtout Delvaux et tout le surréalisme belge.
Je m'aperçois que la Belgique m'a beaucoup marqué, j'y ai travaillé un an et y retourne souvent...
Darien j'ai lu le Voleur grâce au film... Je connais mal Bloy

Bernard Alapetite

9:08 AM  
Blogger Dr Orlof said...

Bernard, ce n'était pas du tout un reproche et je crois d'ailleurs que ton commentaire met en évidence quelque chose d'essentiel : les œuvres d'art dont on se souvient sont, indépendamment des hiérarchies officielles, celles qui nous touchent pour des raisons intimes jusqu'à "changer nos vie".
Pour Céline, je suis d'accord avec toi : malgré mon amour pour ses autres livres, "Mort à crédit" reste mon préféré.
Je partage aussi ton goût pour la Belgique et j'adore cette branche du surréalisme (des Magritte, Nougé, Scutenaire jusqu'aux formes nouvelles du mouvement que l'on retrouve chez des gens comme Bucquoy, Godin ou Smolders.
Bloy, c'est la violence inouïe du pamphlétaire catholique intransigeant. J'adore cette écriture "fin de siècle" dont la véhémence me paraît inimaginable aujourd'hui!

7:43 PM  
Anonymous Anonyme said...

C'est effectivement un gros morceau et, ce qui me rassure c'est que j'ai lu une large part de la "liste officielle". Ouf.
Proust, Giono, Malraux, Flaubert, Maupassant, c'est ce que j'aime. je viens de découvrir Romain Rolland et j'ai trouvé ça assez épique. J'aurais bien mis Jules Verne parce que je n'ai jamais compris pourquoi il n'était pas étudié en classe mais je vois qu'il aura son tour dans le roman d'aventure. Il y a Gaston Leroux, quand même. Il y a aussi la trilogie de Jules Valles que je mets très haut, et puis les bouquins de Manchette. "Le petit bleu de la côte ouest", ce n'est quand même pas rien. Mais finalement, je crois, même s'il est dans une autre catégorie, que le romancier français que je préfère, c'est Alexandre Dumas. Définitivement, il est sous estimé comme écrivain. j'ai redécouvert il y a quelques année ce que je croyais connaître par coeur et ça a été une immense surprise. "Le vicomte de Bragelonne" m'inspire le plus grand respect.

Pour finir sur le commentaire de Bernard Alapetite, je partage cette façon de ne pas vouloir cloisonner et certains albums valent pour moi autant que bien des romans.

10:46 PM  
Anonymous Anonyme said...

Ah oui, Dumas est inépuisable. J'ai relu récemment La reine Margot et La dame de Monsoreau : c'est rapide, c'est fin, c'est intelligent.
Le plus ambigu et le plus riche des personnages de La reine Margot, le roi Charles IX, a été bêtement caricaturé par Chéreau dans son adaptation filmée...

9:49 AM  
Anonymous Anonyme said...

Tout Proust ! :)
Et sinon, en vrac :
-L'éducation sentimentale
-Les liaisons dangereuses
-Une vie
-L'assommoir
-Germinal
-L'étranger

Et tant d'autres.

9:01 PM  
Blogger susane said...

Merci beaucoup pour ce site et toutes les informations qu’il regorge. Je le trouve très intéressant et je le conseille à tous !
Bonne continuation à vous. Amicalement

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2:01 PM  

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