La cave du Dr Orlof

Notes en vrac

mardi, juillet 22, 2008

Bibliothèque idéale n°32 : La musique

Ecrits d’Erik Satie (Champ Libre. 1981)


L’idéal serait de lire deux fois ce recueil des écrits du musicien Erik Satie, publiés de manière extrêmement savante par les indispensables éditions Champ Libre (près de 100 pages de notes !).

La première fois, il faudrait se contenter des textes de l’auteur de Parade ou de Trois morceaux en forme de poire, savourer son humour caustique et nonsensique sans connaître forcément le contexte dans lequelsils ont été écrits. Ensuite, on pourrait alors aborder la lecture « savante » et lire les notes qui accompagnent chacun des textes ou illustrations numérotés sous forme de paragraphes (531 en tout).

Pour ma part, j’ai opté pour la deuxième solution et même si j’ai pris énormément de plaisir à ce livre, je dois aussi avouer qu’il y a quelque chose d’un peu fastidieux à jongler entre les textes et les notes explicatives.

Je crois que je le disais en évoquant le Monsieur Croche de Debussy : je n’y connais absolument rien en musique (je ne m’en vante pas : je le regrette amèrement) et c’est donc plutôt en raison des extraits donnés par Benayoun dans Les dingues du nonsense que je me suis précipité sur les textes de Satie lorsque je les ai trouvés au parc Georges Brassens.

Ces écrits vont, à mon sens, du purement anecdotique au plus parfait génie drolatique. Anecdotiques et vraiment réservées aux thuriféraires du maître me paraissent ces petites-annonces qu’il écrivait pour le journal local intitulé l’avenir d’Arcueil-Cachan ou ces réclames qu’il élabora avec un sens certain de la calligraphie et du détail incongru (Satie vantant des châteaux hantés, des « maisons de retraite pour nègres » ou vendant des maisons comme « don du diable » !).

Anecdotique également ces descriptions minutieuses de la confrérie qu’il créa et dont il fut le seul membre. Si Satie fréquenta des gens comme Cocteau, les musiciens les plus « modernes » de l’époque (Milhaud, Poulenc, Honegger…) et, plus tard, le groupe Dada ; il ne faut pas oublier qu’il fréquenta également Le chat noir et les cabarets montmartrois (avec Alphonse Allais, notamment) et qu’il fut marqué par le goût de l’époque pour le canular, les sociétés secrètes occultes, les supercheries les plus fumeuses. Après avoir été membre de la Rose-Croix du Sar Péladan, Satie fonde l’Eglise Métropolitaine d’Art de Jésus Conducteur (sic !). Et de détailler avec force détails toute l’organisation de son église qui, par ailleurs, publiera des communiqués dont je ne parviens toujours pas à déterminer si c’est de l’Art ou du cochon !

A côté de ces textes qui me paraissent mineurs, les autres écrits de Satie sont absolument savoureux. On y trouve des chroniques musicales où il dit beaucoup de bien de Stravinsky, de Debussy (même si les « debussystes » l’exaspèrent !) et beaucoup de mal des critiques musicaux, de Ravel (« Ravel vient de refuser la légion d’honneur, mais toute sa musique l’accepte. ») ou de Saint-Saëns (dont il raille le chauvinisme).

C’est dans ce type de chroniques qu’on trouve une définition de ce que pourrait être l’Art selon Satie :

« J’ai toujours dit qu’en Art il n’y avait pas de Vérité –de Vérité unique s’entend. Celle qui m’est imposée par des ministres, un Sénat, une chambre et un Institut me révolte et m’indigne- bien qu’au fond cela me soit indifférent.

D’une seule voix, je crie : Vivent les Amateurs ! »

Ce dilettantisme rigolard explique sans doute pourquoi le musicien était voué à croiser la route du dadaïsme (c’est lui qui composa la musique d’Entr’acte de René Clair, scénario de Picabia et interprétation de Marcel Duchamp et Man Ray) même si ses relations avec Tzara, Picabia ou Breton et Aragon furent houleuses (je ne sais pas s’il y a une personnalité avec qui Satie ne se soit pas brouillée).

Personnellement, les textes que je préfère sont ceux où le musicien s’adonne totalement au nonsense (ses géniales Mémoires d’un amnésique ou ses Cahiers d’un mammifère), ses causeries ou se mêlent son humour absurde et un gloupitant sens du jeu de mot foireux (« l’homme qui a raison, est –généralement- assez mal vu, … même avec des lunettes… ») ou encore ses aphorismes dont certains sont restés assez célèbres.

Pour la bonne bouche, en voilà quelques uns :

« Je ne vois pas pourquoi l’argent n’aurait pas d’odeur, lui qui peut tout avoir. »

« Je ne lis jamais un journal de mon opinion : celle-ci serait faussée. »

« Je suis venu au monde très jeune dans un temps très vieux. »

Inutile de poursuivre plus longuement, vous l’avez parfaitement compris : Satie était un grand bonhomme.

Mais vous, que me conseilleriez-vous comme livre sur la musique pour notre bibliothèque idéale ?

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4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

De Satie, celle que je préfère c'est : "Je préfère la musique que j'aime à celle que je n'aime pas" dont j'ai fait ma devise en ce qui concerne pas mal de choses.
En matière de musique, je crois avoir déjà parlé du "Brassens par Brassens", il y a surtout pour un fan comme moi le livre de Dave Marsh sur Bruce Springsteen "Born to Run: The Bruce Springsteen Story". Ca fait un moment que je me dis que je devrais acheter quelque chose sur mes musiciens classiques préférés.

11:59 AM  
Blogger Dr Orlof said...

Vincent, ton commentaire me fait remarquer que la "bibliothèque idéale" est très traditionaliste quant à la musique puisqu'on n'y trouve aucun livre sur le rock ou la chanson.
Sinon, j'aurais bien évidemment placé comme toi le "Brassens par Brassens"!

9:45 PM  
Blogger gludure said...

Un coup de pliz sur le parquet de la "bibliothéque" question musique:ZAPPA PAR ZAPPA,autobiographie burlesque et politique; MEGATONNIQUE ROCK CRITIC par Lester Bangs, le Bukowski de la critique rock, destructeur d'idoles (Led Zeppelin, "grandes pédales émaciées", c'est charmant non?), et enfin ARCANA:MUSICIANS ON MUSIC, édité par John Zorn, le plus grand musicien vivant avec Jean-louis Costes.

11:34 PM  
Blogger rosi said...

Vraiment agréable ce site et en plus il est complet et simple en recherche. Je t’en remercie beaucoup pour ces moments de détente .

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